• Spartacus et Cassandra - un film documentaire de Ioanis Nuguet (2014)Novembre est le mois du film documentaire dans toute la France. La médiathèque de Villejuif relaie à nouveau cet événement avec la projection de quatre documentaires. Le premier s’est déroulée le samedi 7 novembre dans une salle culturelle qui sert de projections, de conférences et d'animations en tout genre. “Spartacus et Cassandra” est sorti au cinéma en février de cette année et en septembre pour le DVD. Je n’avais malheureusement pas pu le voir lorsqu’il était encore en salle. Quel plaisir lorsque j'ai appris que la médiathèque (que je fréquente régulièrement) allait le projeter en présence du réalisateur, Ioanis Nuguet ainsi que de Camille Brisson.
     
    Spartacus Ursu, 13 ans et Cassandra Dumitru, 10 ans sont deux jeunes frère et sœur Rroms qui ont vécu petit-e-s en Roumanie. Plus tard, il et elle ont déménagé avec leurs parents en France et plus précisément à St-Denis, en Seine-St-Denis (93).  De squat en squat et avec une situation très précaire, Camille Brisson, 21 ans et trapéziste, décide d’héberger la famille dans un lieu abritant un cirque. Le père des enfants est alcoolique et violent, Camille est dans l’obligation de l’exclure du lieu à cause des violences qu’il commet. Leur mère a des problèmes psychiatriques et a de plus en plus de mal à vivre sans soin et sans encadrement adapté à sa situation.  Les parents aiment leurs enfants mais leurs problèmes sont trop importants pour proposer à Cassandra et Spartacus une vie qui tienne la route. 

    Spartacus et Cassandra - un film documentaire de Ioanis Nuguet (2014)

    Le film-documentaire retrace une année et demi de leur vie, entre école, réflexions, échanges, émotions. Afin que les adolescent-e-s ne vivent pas dehors (avec leur père), la justice a donné la garde à Camille dans l’attente d’une meilleure situation. Le père a du mal à accepter que Spartacus et Cassandra vivent dans une caravane à côté du cirque tandis que lui, vit dehors. Il veut partir avec ses enfants en Espagne, dans l’espoir de trouver un travail saisonnier. Cassandra et Spartacus ont une forte personnalité, sont attachant-e-s, ont une grande maturité. Camille se plie en quatre pour trouver des solutions, pour inciter Spartacus à mieux étudier à l’école. Le cirque a pour vocation de faire venir toutes les classes sociales, dans une optique d’ouverture. Camille reflète un peu l’esprit de ce cirque, loin de l’élitisme et des discriminations. Le cirque accueille d’autres familles Rroms. Le père est obligé de mendier pour (sur)vivre mais comment faire autrement lorsqu’on a un problème d’alcool,Spartacus et Cassandra - un film documentaire de Ioanis Nuguet (2014) que l’on ne parle pas la langue du pays d’accueil et que l'on n'a pas un sous ? Camille sait que c’est en allant à l’école que les deux adolescent-e-s pourront s’émanciper dans leur vie. Pendant quelques jours, les trois vivront dans une maison à la campagne. Cassandra et Spartacus sont si heureux/euses de vivre ailleurs que dans des bidonvilles, la pauvreté qu’elle et il ont l’habitude de côtoyer depuis si longtemps. Elle et il nagent, courent dans l’herbe... une vie si différente...
     
    Ce documentaire est une réussite tant au niveau des images, que de la voix off (tantôt Spartacus, tantôt Cassandra, de beaux morceaux choisis), de l’histoire émouvante loin de la stigmatisation d’une communauté Rrom, qui est depuis des décennies et des décennies mise à l'écart et discriminée à outrance. "Spartacus et Cassandra" délivre pendant presqu'une heure et demi de bien belles choses mêlées à beaucoup d'émotions. Un très beau documentaire, je me répète...
     
    Avec Cassandra Dumitru , Spartacus Ursu, Camille Brisson... 
     
     

    Spartacus et Cassandra - un film documentaire de Ioanis Nuguet (2014)

    Bande-annonce :   
     
     
    Interview d’Ioanis Nuguet et Spartacus Ursu :  
     


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  • Sortie en salle le 8 juillet 2015

    Difret - un film de Zeresenay Berhane Mehari (2014)Hirut Assefa a 14 ans lorsqu'en sortant de l'école elle est enlevée par 6 hommes à cheval. Ils l'isolent et elle est violée et violentée par l'un d'eux. Dans les campagnes éthiopiennes, la tradition veut qu'un homme enlève la femme qu'il désire épouser et la viole. Hirut arrive à s'enfuir avec le fusil du violeur. Les 6 hommes la pourchasse et dans la fuite, Hirut tire sur le violeur et le tue. 

    Meaza Ashenafi est une jeune avocate travaillant dans une organisation qui fournit gratuitement une aide juridique aux femmes et aux enfants démuni-e-s. Elle va défendre Hirut qui risque la peine de mort. En Ethiopie, les femmes n'obtiennent jamais la légitime défense, ce qui signifie que le viol est légitimé et dans ces conditions, les traditions liées à la violence, au sexisme sont perpétuellement pratiquées. Hirut est la seconde fille d'une famille de trois filles. L'aînée a connu le triste sort d'être enlevée, violée et mariée à un homme puis a enfanté de quatre enfants. Hirut a peur que sa cadette subisse le même sort. Son père préfère la retirer de l'école pour qu'elle est moins de chance de se faire enlever. Hirut est consciente que c'est grâce à l'école que les filles peuvent s'élever socialement ou tout du moins subir moins de sexisme et de pauvreté. Les hommes du village d'Hirut ont décidé de banir Hirut pendant 25 ans, son père est dans l'obligation de payer un dédommagement à la famille de laDifret - un film de Zeresenay Berhane Mehari (2014) victime. La famille et amis du violeur sont près à la tuer pour se venger. Dans un premier temps Hirut vivra chez l'avocate en attendant le procès puis suite à différentes pressions ira dans un orphelinat pour ne pas être retrouvée. 

    Si Hirut n'avait pas été défendue par un-e avocat-e elle aurait été immédiatement reconnue coupable et condamnée à mort (ne pouvant pas justifier l'âge d'Hirut, l'administration a essayé de la faire passer pour une personne majeure). Lorsque l'on est pauvre et de surcroît une fille ou une femme, beaucoup de choses jouent en votre défaveur. Durant le film, on voit l'importance de l'éducation, du savoir mais aussi de la justice, de l'égalité (homme/femme, riche/pauvre) car finalement c'est grâce à la ténacité d'une femme avocate issue d'une famille pauvre qui défendra les plus opprimées que le dénouement deviendra un changement dans la société Etiopienne avec pour la première fois une femme acquittée suite à de la légitime défense. "Difret" est tiré d'une histoire vraie. La société certes ne changera pas avec une affaire mais la jurisprudence est effective. 

    Difret - un film de Zeresenay Berhane Mehari (2014)On voit aussi les différences entre les hommes qui veulent rester dans les traditions, ne remettant nullement  en question les atrocités et ceux qui veulent un changement comme le père d'Hirut, l'homme de justice qui aidera Meaza Ashenafi ou l'instituteur. Ce n'est pas forcément lié à leur statut social : le sexisme, le patriarcat sont dans toutes les instances, toutes les classes sociales.

    "Difret" c'est aussi un film avec des femmes de caractère, qui se battent pour un monde meilleur, plus juste pour les femmes et pour les démuni-e-s. Hirut est obstinée, sait ce qu'elle veut (pas toujours au vu des circonstances terribles mais elle est forte), Meaza Ashenafi sait que c'est en se battant, en défendant les femmes qu'elle arrivera à faire évoluer lentement mais sûrement les mentalités. Un film qui donne espoir. Ce film éthiopien est parlé en Amharique, la langue officielle de l'Ethiopie, raison de plus pour aller voir ce beau film. J'avoue, j'y ai versé quelques larmes.

    Meron Getnet, Tizita Hagere, Rahel Teshome, etc. 

    Difret - un film de Zeresenay Berhane Mehari (2014)

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  • Hors jeu - un film de Jafar Panahi (2005)L'équipe de football d'Iran rencontre le Bahreïn pour un match décisif pour la qualification à la coupe du monde 2006. La République Islamiste d'Iran interdit l'entrée au stade des matchs de football masculin aux femmes. Dans ce contexte, le film tourne autour d'un groupe de jeunes filles (elles ne se connaissent pas) fan de ce sport et désirant coûte que coûte regarder le match depuis les tribunes. Habillées en hommes, elles se font interpeller par la brigade des mœurs à l'entrée du stade. Elles sont mises à l'écart dans un enclos improvisé, à côté du stade, en attendant la fin de la rencontre afin d'être amenées au siège de la brigade des mœurs pour être jugées.

    Jafar Panahi consacre un nouveau film sur la condition des femmes en Iran en se plongeant sur un fait historique, un match décisif de l'équipe de football d'Iran pour la qualification au mondial 2006. Nous avons affaire à des jeunes filles qui veulent voir ce match malgré l'interdiction et la possible répression si elles sont démasquées, démontrant que les femmes en Iran, malgré l'oppression, les discriminations, ne se laissent pas faire et demandent plus de liberté. Les échanges entres elles et les quelques militaires qui les gardent sont intéressants. On y voit des hommes obligés de faire le sale boulot car leur hiérarchie leur donnerait un blâme si l'une du groupe s'échappait. Toujours ces actes répressifs de la part du gouvernement afin de faire instaurer des inégalités en faveur des hommes et au détriment des femmes. MaisHors jeu - un film de Jafar Panahi (2005) la répression ne s'arrête pas qu'au niveau des femmes mais là n'est pas le sujet... Malgré tout, une certaine complicité apparaît au fur et à mesure de l'avancer du film entre le groupe d'hommes et de jeunes filles même si chacun-e reste à sa place.

    Pour réaliser "Hors jeu", Jafar Panahi a dû mentir sur le scénario aux autorités iraniennes car le film n'aurait jamais pu sortir avec un tel sujet. Actuellement, Jafar Panahi à l'interdiction de réaliser des films mais il est arrivé à contourner la sanction en réalisant trois films dont le dernier en date "Taxi Téhéran". 

    Le flm est subtile, avec humour le réalisateur arrive à faire passer beaucoup de choses. J'ai moins aimé les échanges verbales bien trop nombreux qui deviennent au bout d'un certains temps saoulant : vive le silence ! :-) Bon, j'exagère tout de même !

    A noté qu'une des jeunes filles, Shayesteh Irani, est l'une des deux actrices principales du film "Une femme iranienne".

    Ce film aurait mérité un peu moins d'échanges, peut-être un peu plus d'action mais il reste agréable à regarder et il fait réfléchir. 

    Avec Sima Mobarak Shahi, Safar Samandar, Shayesteh Irani, M. Kheyrabadi, Ida Sadeghi, Golnaz Farmani, Mahnaz Zabathi, etc.

    Hors jeu - un film de Jafar Panahi (2005)

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  • No - un film de Pablo Larraín (2012)Après 14 ans de dictature, le président Augusto Pinochet consent à organiser un référendum sur son maintien au pouvoir. Les dirigeants de l'opposition persuadent un brillant publicitaire, René Saavedra, de concevoir leur compagne. Avec peu de temps, de moyens et sous la surveillance constante du régime, Saavedra imagine un plan de communication audacieux et créatif pour encourager les chiliens à changer le cours de leur histoire en votant NO !

    Un autre 11 septembre, en 1973, un coup d'Etat militaire avec à sa tête Augusto Pinochet, prend le pouvoir par la force et avec le soutien du gouvernement états-unien qui voit d'un mauvais oeuil la politique socialiste menée par le président Savaldor Allende. Ce dernier préféra se suicider plutôt que devoir se rendre (et torturé, tué ?) à la junte militaire. Ce coup d'Etat apporta une énorme répression avec des milliers de torturés, de disparus, de tués. A la suite de ce coup d'Etat la liberté de la presse fut abolie, les partis politiques illégaux, tout opposant au régime pouvait être arrêté, torturé et incarcéré.

    En 1988 et avec la pression internationale, Pinochet organisa un grand référendum pour savoir si le peuple souhaitait le maintenir au pouvoir ou pas. Il accorda 15 minutes par jour aux deux camps, celui en faveur du oui (la dictature actuelle) et celui du non (17 partis au total) à la télévision. René Saavedra, jeune publicitaire reconnu accepta de s'occuper de la campagne du non. Fait marquant, le directeur de sa boîte de pub s'occupa de la campagne du oui.  Pour inciter les abstentionnistes à dire "non" René réalisa des spots centrés sur la joie dans un pays où laNo - un film de Pablo Larraín (2012) dictature aura pris fin, des spots se rapprochant de la publicité. Les représentants des différents partis politiques n'approuvèrent pas forcément la direction des spots, préférant pour leur part montrer des images actuelles, réelles sur la réalité du pays, sur l'absence de liberté, les inégalités, la répression, pointer du doigt ceux à qui la dictature profitait, entre autres. 

    Malgré les menaces, la censure, la campagne du non concurrençait celle du oui. Eduardo Pinochet pensait que son gouvernement gagnerait haut la main et se donnerait une bonne image démocratique en ayant organisé un référendum.

    Les images ont été filmées par des caméras de l'époque afin d'être proche visuellement de celles des archives qui sont nombreuses dans le film. Elles donne un aspect documentaire très loin des images léchées proposées actuellement. Mais ce n'est pas un problème, bien au contraire, ça renforce l'aspect politique, militant, vers un changement de société. Durant tout le film, il est intéressant d'entendre les échanges entre tous les protagonistes des différents partis politiques, rappelant un peu le film de Ken Loach "Land and freedom" même si "No" reste très soft, on est loin des échanges révolutionnaires du film de Ken Loach. On remarquera l'absence de femmes, hormis l'ex femme d'André et la nourrice de son fils, comme si les femmes ne pouvaient être que des épouses et s'occuper d'enfants. L'absence de femmes dans les débats politiques est regrettable mais certainement représentatif du sexisme au Chili (et ailleurs !) à la fin des années 80.

    La seconde moitié du film est plus soutenue, plus intrigante. On voit, on entend le peuple grondé qui ne veut plus de dictature et qui malgré la répression va dans la rue pour le dire haut et faut.

    "No" est un hymne à la liberté, à la démocratie et nous rappelle que de nombreux peuples vivent dans une dictature soutenue bien souvent par d'autres gouvernements étrangers qui se disent démocratiques : chercher l'erreur ! Comme quoi l'argent, les intérêts sont bien plus importants que le reste...

    No - un film de Pablo Larraín (2012)

     Avec Gael García Bernal, Luis Gnecco, Antonia Zegers, etc.

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  • Sortie en salle le 29 juillet 2015

    Summer - un film d'Alanté Kavaïté (2015)Sangaïlé, jeune fille de 17 ans, passe l'été avec ses parents dans leur villa au bord d'un lac de Lituanie. Comme chaque année, Sangaïlé se rend au show aérien. Cette fois, elle y fait la connaissance d'Austé, une fille de son âge, aussi extravertie que Sangaïlé est timide et mal dans sa peau. Une amitié va s'épanouir dans la sensualité de l'été...

    Rare sont les films des Pays-Baltes s'exportant à l'étranger, souvenez-vous de Kertu qui a eu un énorme succès dans son pays d'origine, l'Estonie. Cette fois-ci c'est au tour de la Lituanie, pays de 3,5 millions d'habitant-e-s et le plus grands pays des Pays-Baltes (Estonie, Lituanie et Lettonie) de produire un film qui traverse les frontières.

    Avec une histoire d'amour entre deux jeunes filles on aurait pu penser y voir de nombreux points communs avec "My summer of love" ou "Fucking Amal" mais "Summer" ne fait ni dans le coming out, ni dans la lesbophobie. On n'y fait d'ailleurs jamais allusion, comme si nous vivions dans une société non hétéronormée. Sangaïlé est mal dans sa peau, timide, complexée, introvertie, elle s'auto-mutile (elle se taillade les bras avec l'aide d'un compas). Elle communique peu avec ses parents. Sa mère, ancienne danseuse professionnelle, vit dans ses rêves d’antan. Sangaïlé a des phobies : l'eau, les hauteurs. C'est d'ailleurs le vertige qui l'empêche de monter dans un avion pour accompagner un aviateur qui fait des voltiges alors qu'elle rêverait d'y être. Au contact d'Austé, elle va apprendre à prendre confiance en elle, à surmonter ses craintes, ses peurs. Les deux adolescentes sont très différentes l'une de l'autre mais Austé a une grande faculté à comprendre Sangaïlé et l'aidera à s'affirmer, à lui faire comprendre que derrière des peurs se cache une personne qui a des talents, comme sa mère, comme tout le monde d'ailleurs. Les talents d'Austé sont la création : création de vêtements.

    Summer - un film d'Alanté Kavaïté (2015)

    Alanté Kavaïté  réalise un excellent second long métrage grâce une belle photographie qui joue énormément sur les contrastes, les dégradés. Elle traduit un certain bonheur aux yeux, c'est époustouflant. Les dialogues ne sont certainement pas ce qui a de meilleur mais restent correctes. Le scénario est simple mais c'est certainement la simplicité qui fait tout son charme. On avance dans une progression constante au rythme de la vie d'été pour des adolescentes à la campagne, entre baignade, sorties avec les copain-e-s. Rien d'extraordinaire mais justement nous sommes dans la réalité, entre beauté (images sur le lac, par exemple) et impression troublante (centrale nucléaire dans le coin, ce qui n'est pas sans rappeler Tchernobyl, en Ukraine).

    Les deux actrices principales, Julija Steponaityté (Sangaïlé, qui est le titre du film en lituanien) et Aistė Diržiūtė (Austé) sont très à l'aise dans le rôle qu'elles incarnent, ce qui est explique en partie la réussite de ce film.

    Un beau film à petit budget à soutenir.

    Avec Julija Steponaityté, Aistė Diržiūtė, Jūratė Sodytė, Martynas Budraitis, etc.

    Summer - un film d'Alanté Kavaïté (2015)

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