• Sortie en salles le 22 novembre 2017 

    La lune de Jupiter - un film de Kornél Mundruczó (2017)Aryan et son père font partie d'un groupe de migrant-e-s en majorité syrienne.  Il leur est nécessaire de traverser en bateau (petites embarcations sur lesquelles sont entassées de nombreuses personnes) une rivière pour atteindre la frontière hongroise. La police tire dans le tas. Tou-te-s sont, soient tué-e-s, soient tombent à l'eau. Aryan réussit à atteindre la terre en nageant. Dans sa course il est blessé par balle. Il découvre qu'il a le pouvoir de léviter et ses blessures cicatrises rapidement. Dans un camps de réfugiers, le Dr Stern découvre ses pouvoirs et le prend sous son aile afin de pouvoir exploiter les pouvoirs du jeune syrien. Les deux hommes prennent la fuite pour échapper à un policier raciste et sans scrupule. 

    Après le très bon "White God", le réalisateur hongrois Kornél Mundruczó revient avec un film toujours dans la veine fantastique et mêlant social et politique. Sous forme de conte, il traite de la situation des réfugié-e-s, des policiers corrompus et racistes (reflet de l'Etat et de la société), du pouvoir de l'argent, de la religion. Ceci est traité indirectement et non frontalement hormis quelques scènes flagrantes. Le réalisateur met le doigt là où ça fait mal sans en faire trop non plus. Je regrette que les personnages principaux soient si peu creusés. On ne sait pas grand chose d'eux, ce qui est une nécessité pour éprouver un certain attachement, ou pas. Les scènes s'enchaînent sans ressentir quelque chose de fort, qui pousserait à se mettre à la place des protagonistes. Malgré un manque de rythme le film est bien mené avec quelques scènes fortes (la traversée et la fuite des migrant-e-s, l'appartement qui tourne sur lui-même, l'excellente course poursuite en voiture). Un bon point pour la lévitation qui apporte au film un aspect fantastique bien rendu au niveau visuel, notamment en extérieur avec la caméra placée au-dessus du personnage, permettant de voir les rues, les voitures. les hélicoptères dans une belle perspective. La lévitation permet également de se poser des questions quant à sa représentation. Des questions également à la fin du film qui, comme beaucoup de films fantastiques, ne donnent pas des réponses toutes faites.

    La lune de Jupiter - un film de Kornél Mundruczó (2017)

    Pour résumer, "La lune de Jupiter" a des imperfections (personnages pas assez creusés, manque de rythme) et des qualités (contexte socio politique, quelques scènes mémorables, le fantastique est bien vu et filmé). Le genre de film que je prends un certain plaisir à regarder mais qui ne restera pas longtemps dans ma mémoire.

     Je suis allée voir à deux jours d'intervalle deux films fantastiques "Thelma" de Joachim Trier et "La lune de Jupiter" ayant pour chacun un personnage principal possédant et découvrant ses pouvoirs. J'ai une nette préférence pour le premier cité (voir ma critique) même si je n'aime pas mettre des films en concurrence. Deux films fantastiques, l'un norvégien, l'autre hongrois. Comme quoi et fort heureusement le cinéma ne s'arrête pas aux productions étatsuniennes, françaises, japonaises ou anglaises. Avec un minimum de curiosité, on peut découvrir des films des quatre coins du globe. Pour finir et pour rejoindre le thème des migrants, Matthieu Tribes a réalisé un court-métrage intitulé "Réfugiés" avec Marina Fois et Mathieu Kassovitz visionnable sur internet quelques jours avant la sortie française de "La lune de Jupiter".

    La lune de Jupiter - un film de Kornél Mundruczó (2017)

    Avec Merab Ninidze, Zsombor Jéger, György Cserhalmi, Farid Larbi, Máté Mészáros, Szabolcs Bede-Fazekas, Lajos Valázsik, etc.

    Bande annonce :




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  • Sortie en salles le 22 novembre 2017

    Thelma - un film de Joachim Trier (2017)Thelma, une jeune et timide étudiante, vient de quitter la maison de ses très dévots parents, située sur la côte ouest de Norvège, pour aller étudier dans une université d'Oslo. Là, elle se sent irrésistiblement et secrètement attirée par la très belle Anja. Tout semble se passer plutôt bien mais elle fait un jour à la bibliothèque une crise d'épilepsie d'une violence inouïe. Peu à peu, Thelma se sent submergée par l'intensité de ses sentiments pour Anja, qu'elle n'ose avouer - pas même à elle-même, et devient la proie de crises de plus en plus fréquentes et paroxystiques. Il devient bientôt évident que ces attaques sont en réalité le symptôme de facultés surnaturelles et dangereuses. Thelma se retrouve alors confrontée à son passé, lourd des tragiques implications de ces pouvoirs...

    Après avoir vu sur petit écran "Oslo, 31 août" et "Back home", deux beaux films dramatiques signés Joachim Trier, la bande annonce de "Thelma" visionnée quelques semaines avant sa sortie ne m'avait donné aucune autre possibilité que de le placer en haut de ma liste de films à regarder en priorité. Joachim Trier revient avec "Thelma" en Norvège, entre la capitale Oslo et la campagne norvégienne. Changement de registre avec une entrée dans le monde du thriller. Thriller oui mais aussi et avant tout fantastique. Nous sentons toujours une certaine mélancolie, comme dans les films cités précédemment. Ce n'est pas un film qui fait rire. Vous êtes prévenu-e-s. :-) La bande annonce reflète bien le film, avec sa montée en crescendo, sans rejoindre l'excès d'un film comme "Mother" qui tombe à la dérive dans les 45 dernières minutes (de bonnes choses dans le film de Darren Aronofsky  mais la fin, piou, piou !). De nouveaux éléments s'intègrent au fur et à mesure permettant de les assimiler et d'avoir une certaine perception et compression du film. C'est d'ailleurs à la fin que l'on comprend la toute première scène. Ce qui n'empêche toute de même pas d'avoir encore quelques interrogations en sortant de la salle. Mais tant mieux ! On continue ainsi de réfléchir sur le film, à essayer de trouver des réponses... c'est mieux que le prémâché prêt à consommer !

    Thelma - un film de Joachim Trier (2017)

    Thelma est proche de ses parents mais il apparaît clairement qu'elle a besoin de s'émanciper pour s'épanouir pleinement. Sans être contre les religions, le film met à mal la pratique religieuse jusqu'au boutisme. Thelma en est une victime ce qui provoque en elle des blocages psychologiques. Ses pouvoirs apparentés à des crises d'épilepsie apparaissent dès les premiers instants où elle rencontre Anja, une étudiante du campus. Ses sentiments pour Anja vont à l'encontre de sa morale religieuse. Homosexualité et religion faisant rarement bon ménage. Evénement rare, cette semaine trois films sortis en salles ont pour personnage principal un-e homosexuel-le :"Thelma", "Marvin ou la belle éducation" d'Anne Fontaine et "The battle of sexes" de Valerie Faris et Jonathan Dayton. Même si l'homophobie  est toujours et malheureusement d'actualité partout dans le monde (jusqu'à la peine de mort dans certains pays), de plus en plus de films abordent un sujet tabou et jugé immoral il y a encore peu, montre une certaine évolution dans le cinéma (reflet de la société). L'homosexualité est maintenant rarement traité comme pathologique  ou avec un regard négatif. Même si les clichés persistent les personnages homosexuels sont plus nombreux et mieux perçus. Dans le magazine Troiscouleurs édité par MK2, Timé Zoppé publie un article "Les lesbiennes dans le cinéma d’horreur : histoire d’une curieuse malédiction". Son analyse en résulte que "Thelma" est l'une  des exceptions dans le cinéma de genre, allant à l'encontre du profil-type des lesbiennes malades mentales.

    Thelma - un film de Joachim Trier (2017)

    Elli Harboe (Thelma) est une excellent découverte avec un rôle difficile de par la diversité et la complexité du personnage. Elle porte sur elle une partie de la réussite du film. Je n'oublie pas de mentionner non plus que la photographie et les différents plans suivis sont remarquables et font l'une des grandes forces de ce film. On passe par exemple d'une scène dans une forêt enneigée à un plan filmé magistralement en altitude donnant sur la place de la faculté avec différents personnages marchant et se focalisant en dernier sur le rôle principal : Thelma. 

    Joachim Trier a écrit et réalisé un beau film, tant sur le plan visuel qu'émotionnel. 

    Thelma - un film de Joachim Trier (2017)

    Avec Eili Harboe, Okay Kaya, Ellen Dorrit Petersen, Henrik Rafaelsen, Grethe Eltervåg, Marte Magnusdotter Solem, Anders Mossling, Vanessa Borgli, Steinar Klouman Hallert, etc.

    Bande annonce :




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  • Sortie en salles le 15 novembre 2017

    M - un film de Sara Forestier (2017)Lila est bègue. Elle en est tellement complexée qu'elle ne veut plus parler, hormis à sa famille, surtout pour aider sa petite sœur à ses devoirs d'école. L'oral du bac approche et son professeur de littérature l'encourage vivement à se surpasser pour s'exprimer oralement. Elle rencontre Mo et tombe immédiatement amoureuse de lui et... réciproquement. Mo semble sûr de lui et pourtant son illettrisme, qu'il cache à Lila, le déstabilise intensément.

    Vu de loin, on pourrait penser à une "simple" romance mais ce thème serait bien réducteur.  En effet, Sara Forestier a voulu traiter des sujets comme le manque de confiance en soi, le regard des autres, le sentiment de honte, les discriminations, ce qui apporte au film des éléments intéressants et supplémentaires, bien introduits et élaborés et qui amène à la réflexion. Je retiens le super jeux de Sara Forestier (Lila) et Redouanne Harjane (Mo) qui jouent tous les deux une très belle interprétation avec une belle palette d'émotion. Des émotions fortes en intensité tant les deux protagonistes se mettent entièrement et corps et âme derrière la caméra. Lila, par amour et grâce à sa persévérance, va progresser dans son élocution et sa confiance en elle tandis que Mo prendra conscience que son illettrisme n'est pas une fatalité.

    Pour sa première réalisation, Sara Forestier est à la fois réalisatrice, actrice, scénariste et co-monteuse, ce qui met en avant une bonne polyvalence, ajouté à un talent indéniable. J'ai vu un seul de ses films "Suzanne" qui m'avait bouleversée. Une comédienne et scénariste talentueuse qui ose exprimer ses idées, à l'instar d'Adèle Haenel, toutes les deux se sont données la réplique dans le film "Suzanne".

    M - un film de Sara Forestier (2017)

    Avec Sara Forestier, Redouanne Harjane, Jean-Pierre Léaud, Liv Andren, Nicolas Vaude, Djouhra Lacroix, Guillaume Verdier, Maryne Cayon...

    Bande annonce :

    Rencontre avec Sara Forestier + extraits du film :




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  • Sortie en salles le 8 novembre 2017

    En attendant les hirondelles - un film de Karim Moussaoudi (2017)Aujourd’hui, en Algérie. Passé et présent s’entrechoquent dans les vies d’un riche promoteur immobilier, d’un neurologue ambitieux rattrapé par son passé, et d’une jeune femme tiraillée entre la voie de la raison et ses sentiments. Trois histoires qui nous plongent dans l'âme humaine de la société arabe contemporaine.

    Après plusieurs courts métrages, Karim Moussaoudi réalise son premier long métrage avec "En attendant les hirondelles". Après une décennie noire, le réalisateur relate trois histoires distinctes post guerre civile, chacune reliée durant quelques instants par un personnage commun. La caméra suit régulièrement les protagonistes en voiture ou à pied, laissant les personnages dans leurs pensées et en donnant vie au film, comme si l'immobilisme devenait ennuyeux. Dans les trois histoires, les personnages principaux sont confrontés à des choix, à toute la complexité de choisir, tant la pression sociale, le regard des autres sont un énorme poids. La musique et la danse sont un leitmotiv et prennent une place importante dans le film, tout comme les personnages suivis à la caméra avec l'environnement qui les entoure.

    Le film dépeint la guerre civile et ses atrocités, le patriarcat, le regard des autres sans être dans une critique directe et acerbe. Il apporte aussi un peu d'espoir et évite ainsi de tracer un tableau noir de la société algérienne.

    Le film est bien construit, vivant, les enchaînements réussis, les actrices et acteurs convaincants. Un film réussi qui je l'espère donnera du sang neuf dans le cinéma algérien, pas facile dans un pays où la plupart des salles de cinéma sont fermées. A noter la sortie en salles du film "Les bienheureux" de la réalisatrice algérienne Sonia Djama le 13 décembre prochain. La revue gratuite tirée à 120.00 exemplaires Troiscouleurs éditée par les cinémas MK2, propose dans son numéro de novembre un petit dossier consacré au cinéma algérien (voir le pdf - page 30 à 42).

    En attendant les hirondelles - un film de Karim Moussaoudi (2017)

    Avec Mohamed Djouhri, Sonia Mekkiou, Mehdi Ramdani, Nadia Kaci, Hania Amar, Hassan Kachach, Samir El Hakim, Chawki Amari, etc.

    Bande annonce :


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  • Sortie en salles le 8 novembre 2017

    A nous de jouer ! - un film documentaire d'Antoine FromentalÀ Clichy, en banlieue parisienne, le principal du collège Jean Macé a décidé d’encourager les méthodes alternatives pour lutter contre l’échec scolaire. Au cœur de ce projet, deux classes : la classe rugby et la classe théâtre. Cette année, le défi est double – participer aux championnats de France, pour les uns, monter sur la grande scène du théâtre de Clichy, pour les autres. Avec un mélange de fragilité et d’enthousiasme,  À nous de jouer ! dresse un portrait riche et complexe de la société d'aujourd'hui, tout en posant une question essentielle : comment changer l'école pour que chacun y trouve sa place ?

    L'Education Nationale propose un système à sens unique avec une seule méthode d'apprentissage dans des classes de 25 à 30 élèves, voire davantage. Ce sont souvent les mêmes personnes qui sont avantagées de par leur niveau/classe sociale, de leur forme d'intelligence (rappelons qu'il n'existe pas une mais plusieurs intelligences), de leur facilité d'adaptation, etc. Pourtant il existe d'autres méthodes qui pourraient être proposées dans une même classe, avec un apprentissage égalitaire non basé sur les notes, ni la concurrence mais sur l'épanouissement, l'autonomie, une forme de liberté qui accrut l'envie d'apprendre, de comprendre, de s'interroger, de s'entraider, d'échanger. Des écoles alternatives comme Montessori existent mais sont toutefois très minoritaires et élitistes car seuls les enfants les plus favorisés (socialement et culturellement) y ont accès. Le film documentaire "Le maître est l'enfant" d'Alexandre Mourot sorti en septembre dernier explique les principes et la pratique en suivant une classe durant deux années . L'Etat finlandais propose une école bien mieux adaptés pour les jeunes, c'est en tout cas ce que l'on voit dans le film-documentaire "Demain" de Mélanie Laurent et Cyril Dion. D'autres exemples existent, je suis loin d'être une spécialiste de la question.

    A nous de jouer ! - un film documentaire d'Antoine Fromental

    Si l'on ne peut pas révolutionner l'Education Nationale, il est tout de même possible de proposer des alternatives dans le système même. C'est le cas du collège Jean Macé, situé à Clichy (Hautes-Seine) en banlieue parisienne, qui a plusieurs classes avec horaires aménagés. "A nous de jouer !" va suivre pendant quatre années les classes de théâtre et de rugby. Ces ateliers permettent aux adolescent-e-s de faire fonctionner leur créativité, de fonctionner en groupe, de décider ensemble, de s'entraider, de s'épanouir, de s'organiser, de prendre confiance en eux/elles. Comme l'explique le proviseur Christian Comès, le collège doit gérer lui-même ces ateliers car aucun fond, ni de suivi extérieur n'est proposé. Le documentaire va mettre l'accent sur la dernière année, la 3ème, celle où l'atelier de théâtre va créer une adaptation de "Roméo et Juliette" et la mettre en scène en fin d'année scolaire dans une salle de spectacle. Et durant laquelle l'équipe de rugby va participer au championnat départemental, régional et national.

    A nous de jouer ! - un film documentaire d'Antoine Fromental

    Le documentaire suit les élèves pendant l'atelier, avec les échanges entre eux, avec les professeur de théâtre, les entraînements et les matchs de rugby. Des réflexions, échanges intéressants sur la religion, la place des femmes dans la société (j'ai adoré la réplique "Une femme doit pouvoir s'habiller comme elle veut, même nue si elle le souhaite, elle doit pouvoir faire ce qu'elle veut de son corps car c'est le sien"), l'homosexualité, le racisme ou des sujets plus légers. C'est d'autant plus intéressant que la parole des enfants et des adolescents est rarement mise en avant dans les médias.

    Regarder "A nous de jouer !" fait un bien fou car le documentaire montre que les alternatives existent même si c'est une goutte d'eau dans un océan. Les jeunes, comme les moins jeunes, ont leurs propres besoins c'est pourquoi proposer un seul style d'apprentissage est une négation aux différences. Egalité ne signifie pas être tout-e-s pareil-le-s, bien au contraire. Des proviseurs comme celui du collège Jean Macé l'ont bien compris. Le réalisateur Antoine Fromental a réussi à montrer les protagonistes attachants, plein de ressources. Un documentaire rafraîchissant qui donne envie de croire que tout est possible à l'utopiste que je suis. :-)

    A nous de jouer ! - un film documentaire d'Antoine Fromental

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