• Mes souliers rouges - documentaire de Sara Rastegar (2013)"Mes souliers rouges" a été projeté dans le cadre de la quinzième édition "Le mois du film documentaire" à la médiathèque de Villejuif (94) qui a organisé la projection de 3 films documentaires durant le mois de novembre. Le thème choisi était le cinéma iranien en exil. Après "Iranien" de Mehran Tamadon, "L'escale" de Kaveh Bakhtiari, le troisième choix de la médiathèque s'était porté sur "Mes souliers rouges" de Sara Rastegar.

    Sara Rastegar, 31 ans, a réalisé avant "Mes souliers rouges" deux films documentaires : "L'ami" sorti en 2005 et "Sept femmes" en 2008. "Mes souliers rouges" a reçu un prix au festival international du film de Dubaï. Sara Rastegar a vécu les premières années de sa vie en Iran. Persécuté-e-s à cause de leurs idées et engagement politiques, ses parents (et Sara) ont fui le régime iranien en s'exilant à Nantes.

    "En 1979, Fariba et Kaveh, les parents de la réalisatrice, ont participé à la révolution en Iran dans le but de renverser le régime totalitaire du Shah. Dès leur adolescence, ils ont fait partie des révolutionnaires qui s'engagèrent pour des idées communistes. À l’issue de cette lutte, après avoir été emprisonnés, après avoir perdu des amis, ils ont fini par quitter leur pays.

    C'est d'ici, dans la France d’aujourd'hui où ils sont installés etMes souliers rouges - documentaire de Sara Rastegar (2013) exercent leur métier d’architecte, que ce film va questionner l'histoire de leur engagement, celui pour lequel ils étaient prêts à mourir. C'est au sein de leur vie quotidienne, aujourd’hui paisible, que Sara Rastegar mène avec eux une réflexion sur leur combat politique, en instaurant un dialogue entre leur vision de l’époque révolutionnaire et leur vie actuelle avec leurs deux autres filles, âgées de 14 et 16 ans.

    C’est donc aussi de la jeunesse et de la conscience politique contemporaines que ce film se veut le témoin attentif." (présentation issue du site internet  film documentaire).

    Ce documentaire de 86 minutes mêle des images actuelles filmées par Sara mais également des images d'archives filmées par Kaveh, son père. Il regorge d'entretiens avec sa mère et surtout avec son père qui semble le plus bavard des deux. Il et elle raconte leur engagement militant et  politique (communiste) en Iran, leur rencontre, leur mariage, les persécutions puis arrestations vécues, la révolution, la guerre entre l'Iran et l'Irak, leur exil. Fariba et Kaveh se sont battu-e-s pour un Mes souliers rouges - documentaire de Sara Rastegar (2013)monde meilleur, pour renverser une autocratie avec l'espoir de laisser place à une démocratie, une vraie démocratie, juste en rêve car la réalité est tout autre. Il et elle ont vu des ami-e-s mourir pour leurs idées, ils sont conscients qu'ils auraient pu aussi tomber et ne jamais se relever. C'est à Nantes que le couple s'est reconstruit, dans leur jolie maison avec jardin dans lequel toute la famille aime se retrouver. Deux autres filles sont nées en France et n'ont donc pas vécu l'exil. Malgré tous les terribles événements, la famille est toujours restée soudée. Fariba a toujours de forts liens avec ses deux soeurs que l'on voit dans le film et son frère. Toute-s les quatre ont vécu l'exil, séparé-e-s à une période par des milliers de kilomètres les un-e-s des autres mais toujours proches dans leur coeur et leur esprit. Les images actuelles sont essentiellement tournées dans la maison et le jardin, lieu où Kaveh aime tant se retrouver. Entre entretiens (de Kaveh et Fariba), échanges spontanés, musique (les trois soeurs jouent d'un ou plusieurs instruments), images d'archives (Sara bébé avec sa mère, par exemple), "Mes souliers rouges" est un témoignage authentique et malgré tout politique puisque le file conducteur du film est l'engagement révolutionnaire, la répression subie par le peuple iranien, l'exil, le tout raconté dans un contexte personnel et familial.

    La réalisation est minimaliste, même le générique de début et de fin, lesMes souliers rouges - documentaire de Sara Rastegar (2013) images brutes. La qualité du film vient du récit personnel, historique et politique, du vécu, des échanges entre les protagonistes. Sara Rastegar a réussi à faire vivre et revivre des moments qui nous permettent d'apprendre, de comprendre un passé vécu par tant d'iranien-ne-s. 

    L'historien, critique de cinéma, programmateur des samedis du cinéma iran au cinéma Le nouvel Odéon à Paris, Bamchade Pourvali, a animé l'après projection en proposant, grâce aux questions posées par le public, un historique de la situation en Iran à partir de la seconde partie du 20ème siècle et du cinéma iranien qui, malgré la censure, a réussi à produire de nombreux films de qualité. Soirée découverte riche en information et en émotion.

    Mes souliers rouges - documentaire de Sara Rastegar (2013)


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  • Sortie en salle le 5 novembre 2014

    Interstellar - un film de Christopher Nolan (2014)En allant voir des blockbusters, ce qui entre parenthèse m'est de plus en plus rare, j'ai toujours peur d'être déçue et blasée avec toujours plus d'actions, d'effets spéciaux, ce qui est de moins en moins ma tasse de thé (ou de chocolat végétalien !)... et je préfère largement "soutenir" les films avec moins de moyens. Avant de me rendre au cinéma, je me demandais bien comme j'allais en ressortir : déçue ou pas déçue ? Mitigée ? J'avais repéré une séance à la La Pléiade à Cachan, cinéma à environ un kilomètre de mon travail et trois kilomètres de chez moi. Je terminais le travail à 19h30, séance à 20 heures : parfait timing !

    Au Etats-Unis, dans un future proche, la pollution devient de plus en plus invivable. Dans ces difficiles conditions, l'espèce humaine disparaîtra dans une ou deux générations. Dans des circonstances troublantes que l'on comprendra à la in du film, Joseph Cooper, ancien pilote de la NASA, reconverti en cultivateur de maïs,  se verra confier une mission pour trouver une planète viable dans un autre système solaire. La NASA a trouvé une faille, une sorte de brèche au alentour de Saturne qui permet de faire un énorme raccourci et de pouvoir se déplacer vers des contrées très éloignées. Auparavant, douze pilotes ont déjà tenté l'expérience et trois signales émis permettent de deviner queInterstellar - un film de Christopher Nolan (2014) trois planètes sont viables pour les humain-e-s. Joseph Cooper a comme pour mission d'aller visiter ces planètes pour se rendre compte de ses propres yeux de la viabilité de ces planètes issues d'un autre système solaire que le nôtre. Sans hésitation, Joseph Cooper accepte la mission partant du principe que son voyage dépendra de la survie humaine... sur une autre planète, of course. Il sera accompagné d'Amelia Brand, la fille du scientifique John Brand qui mène l'opération, de Romilly et Doyle ainsi que de deux robots qui deviendront   indispensables.

    Cooper laisse derrière lui, sans être sûr de pouvoir les revoir à cause de la durée de la mission et d'imprévus qui pourraient lui coûter la vie, sa fille Murphy qui lui en veut profondément de l'abandonner, son fils aîné Tom qui lui fait confiance quant à son choix de partir (pour sauver l'humanité !). Leur mère étant décédée d'un cancer il y a quelques années, les deux enfants resteront avec leur grand-père maternel qui vit déjà avec eux. Cooper garde un profond goût amer du rejet de Murphy avec qui il a beaucoup de complicité. Père et fille ont une forte personnalité et savent ce qu'il/elle veulent.

    Interstellar - un film de Christopher Nolan (2014)Le vaisseau arrive à passer le cap de la brèche et se pose sur une planète pour récupérer le matériel de balise laissé par un cosmonaute lors de la précédente mission. Malheureusement, Brand, Cooper et Doyle ne se rendent pas compte que la montagne qu'ils croient voir au loin est en fait une gigantesque vague qui s'approche d'eux et du vaisseau. Doyle ne peut échapper à la vague et les deux autres s'en sortent de justesse. Lorsque Brand et Cooper rentrent au vaisseau général, Romilly a vieilli de 23 ans à cause de l'influence gravitationnelle qui provoque un écoulement du temps plus lent que sur la Terre (une heure y représentant sept années terrestres). L'équipage doit se rendre à l'évidence : à cause du manque de carburant, ils ne pourront pas aller sur les deux planètes restantes. Il faudra en choisir une...

    Déçue ou pas déçue ? Mitigée ? J'ai été profondément surprise par la qualité du film grâce à une superbe photographie qui nous amène par moment dans le monde du rêve, du fantastique. Christopher Nolan arrive parfaitement à mêler des moments lents, calmes nappés de musique (reprenant l'idée de "2001 : l'odyssée de l'espace") et des moments speed tout en action. Un bon amalgame qui permet d'apprécier toutes les saveurs et les facettes du film. L'histoire du film en elle-même fait réagir : la future disparition de l'espèce humaine, la pollution. Cela ne laisse pas indifférent, ni les vaisseaux spatiaux, le cosmos, l'univers, les planètes. Christopher Nolan prend tous les ingrédients pour réaliser un film à succès. Mais film à succès ne signifie pas  que le film est bon, simplement que la recette a été sélectionnée pour que le public apprécie et en redemandent. Saisissez-vousInterstellar - un film de Christopher Nolan (2014) la différence ? Non ? Ce n'est pas grave ! :-) Dans le cas de "Interstellar" le film est bon avec ses petits défauts certes mais il est captivant et bien fait.  Les 2h49 ont passé rapidement. Les petits défauts ? Encore une histoire du super-héro, cette fois-ci dessiné sous les traits de (Joseph) Cooper mais ça reste tout de même supportable car Cooper n'est pas seul. Murphy, sa fille,  accomplira également des prouesses dans un autre registre et domaine, en poursuivant durant toute sa vie une seule quête qui lui permettra de poursuivre le travail de John Brand (le scientifique). Comme souvent lors de ce genre de film, la compréhension "scientifique" est parfois peu abordable ou est-ce seulement une impression pour nous en mettre plein la vue et nous faire croire à des choses infaisables ? A moins d'avoir les connaissances dans le domaine, il est difficile de savoir si c'est faisable (ou tout du moins une probabilité) ou du pipeau. Le peu d'explication sur la pollution terrestre est dommage, tout comme le fait qu'il est dit à un moment qu'il reste 10 millions d'humain-e-s. 10 millions d'états-uniens ou 10 millions d'humain-e-s sur toute la planète ? Dans les deux cas, on se dit que cette pollution est un véritable fléau mais il n'est pas autant représenté dans le film ou tout du moins pas assez montré au début lorsque la famille Cooper vit ensemble près des champs de blé.  Des défauts certes mais je retiens surtout les qualités.

    "Interstellar" m'a fait fait passé un bon moment, me faisant oublier pendant presque 3 heures tous les soucis rencontrés dans la semaine. Un bon divertissement passionnant, entre cosmos, fin de l'humanité, pollution, photos magnifiques, effets spéciaux réussis, lenteur, accélération, action. 

    Interstellar - un film de Christopher Nolan (2014)

    Avec Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Jessica Chastain, Mackenzie Foy, Michael Caine, Casey Affleck, Thimotee Chalamet, David Gyasi, Wes Bentley, John Lithgow... 

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  • L'escale - un film documentaire de Kaveh Bakhtiari (2013)Dans le cadre de la 15 édition Le mois du film documentaire qui se déroule en novembre, la médiathèque de Villejuif (94) organise trois projections suivies d'un débat. Ces trois documentaires récemment primés dans de nombreux festivals internationaux portent le thème du cinéma iranien en exil. La première projection "Iranien" de Mehran Tamadon s'est déroulée le 8 novembre. C'était une avant-première de la sortie nationale en salle le 3 décembre prochain. Le film a été notamment projeté au festival cinéma et droits humains 2014 à Paris, organisé par Amnesty International. Dans l'après-midi, du samedi 15 novembre, c'était au tour de "L'escale" de Kaveh Bakhtiari qui réalise son premier long documentaire après plusieurs courts métrages de fiction. La salle culturelle de la médiathèque de Villejuif était quasiment pleine (une bonne cinquantaine de personnes) pour découvrir ce documentaire sorti en salle le 27 novembre 2013 et en DVD depuis le début du mois. Le film a été produit par Kaléo Films (France) et Louise Productions (Suisse).

    Kaveh Bakhtiari est un réalisateur suisse d'origine iranienne qui a fuit l'Iran avec sa famille lorsqu'il avait 9 ans. Après des études de cinéma à Lausanne, il a réalisé 8 courts métrages de fiction et 2 documentaires. Il a commencé à se faire remarquer en 2007 avec son court métrage "La valise" qui a obtenu plusieurs prix. A Athènes, en Grèce, il est invité à présenter "La valise" lors d'un festival. Il apprend que son cousin de 28 ans est en prison à Athènes après avoir rejoint illégalement la Grèce. Avec sa caméra, Kaveh Bakhtiari le rencontre à sa sortie de prison  et voilà que le documentaire commence, sans aucune préméditation.

    L'escale - un film documentaire de Kaveh Bakhtiari (2013)

    Dès son arrivée en Grèce, son cousin a écopé de 4 mois de prison pour la simple raison d'être entré illégalement sur le territoire Grecque, telle est la dure réalité des migrant-e-s clandestins qui en plus d'avoir payé une fortune un passeur qui la plupart du temps les anarque, d'avoir dû quitter leur famille, leurs proches, leurs attaches, ils et elles doivent faire face à la répression de l'état Grecque (ce n'est pas non plus du gâteau dans les autres pays). Kaveh Bakhtiari reste chez son cousin à Athènes qui est en sous-location dans l'appartement d'Amir, un autre migrant iranien. Ce dernier héberge dans son appartement d'autres iraniens en échange d'un peu d'argent afin de pouvoir payer le loyer. Au début du film, sans le réalisateur, ils sont 6 migrants d'origine iranienne et une arménienne (elle partira rapidement vers un autre pays). Nous vivrons leur quotidien de migrants clandestins : ils doivent se débrouiller pour ne pas se faire remarquer par la police, pour acheter un faux passeport afin de quitter la Grèce, les longues attentes pour obtenir d'hypothétiques papiers... mais aussi un quotidien où les 6 iraniens doivent être soudés, solidaires pour ne pas craquer. Leur objectif n'est pas de rester en Grèce. Les passeurs leur avait promis de les amener en Amérique du Nord ou en Australie avec comme première étape la Grèce mais une fois arrivés dans le pays, ils n'ont plus de nouvelles de leur passeur. Ils doivent se débrouiller pour rejoindre un autre pays avec un faux passeport qu'ils attendent parfois de longs mois et aussi avec beaucoup de chance car beaucoup ne réalisent pas leur projet et se retrouvent en prison ou de retour à la case départ dans leur pays d'origine. 

    Kaveh Bakhtiari filme les moments présents avec la volonté de ne jamais parler de leur passé en Iran : dans l'appartement en train de préparer le dîner ou lors de discussions, dans la rue pour échapper aux policiers ou en soutenant deux amis iraniens en grève de la faim. Des moments forts d'entre-aide, Amir en est un bel exemple, des moments de joie, de rigolade mais aussi de pleurs, de mal-être, de détresse, des moments tragiques aussi. Ces hommes ont tout quitté pour essayer de reconstruire quelque chose ailleurs, dans un pays où il est possible de construire un avenir sans être censuré, persécuté, torturé.

    L'escale - un film documentaire de Kaveh Bakhtiari (2013)

    Le réalisateur restera avec eux pendant une année avec juste quelques aller-retour en Suisse. On suivra le départ de chacun vers des pays tant convoités, tant rêvés pour se reconstruire et surtout espérer. Kaveh Bakhtiari propose un film à visage humain qui parle des migrant-e-s, de leurs galères, d'un pays (il est le reflet des autres) qui ne veut pas d'eux (mais qui les exploite bien, commentaire de moi-même), d'une solidarité entre le groupe d'iraniens. C'est son expérience, pas celle de tous les migrants clandestins. Il s'est focalisé sur le groupe de son cousin et s'est immergé dans leur monde durant une année. Même si la situation est différente, Kaveh Bakhtiari a aussi connu l'exil avec sa famille. Dans sa réalisation, "L'escale" est filmé de façon brute, assez sommaire, préférant privilégier les échanges aux beaux plans.

    Le documentaire a eu la chance d'être diffusé en salle et d'après Sophie Germain l'une des deux productrices de Kaléo Films qui était présente dans la salle pour parler de "L'escale", il y a eu en France entre 12.000 et 13.000 entrées sans compter les projections hors cinéma (comme à la médiathèque de Villejuif, par exemple !). Espérons que grâce à la sortie du DVD, un peu plus de personnes découvriront ce beau documentaire poignant qui traite d'un sujet terrible vécu par quelques iraniens (et tant d'autres dans le monde). 

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  • Sortie en salle le 5 novembre 2014

    A girl at my door - un film de July Jung (2014)Young-Nam est une jeune commissaire de Séoul mutée d'office dans un village de Corée du Sud. Peu de temps après son arrivée, elle fait la connaissance de Dohee, une très jeune adolescente battue régulièrement par Yong-Ha, son père. Sa mère est partie du foyer alors qu'elle était très jeune, la laissant avec un père violent et une grand-mère qui l'est presque autant. Yong-Ha est chef d'entreprise dans une entreprise maritime. Il est en quelque sorte l'industrie du coin permettant de faire travailler des salariés dans une région reculée, ce qui explique que personne n'ose lui mettre en évidence le fait qu'il bat sa fille, ni qu'il exploite des sans-papiers. La police locale ferme également les yeux sur ses agissements. 

    A plusieurs reprises Dohee trouvera refuge dans la maison de Young-Nam après avoir été frappée par son père. Elle restera durant un mois de vacances scolaires chez la commissaire, trouvant de l'aide, de l'écoute et de la tendresse, choses qu'elle n'avait jamais chez Yong-Ha. Young-Nam et Yong-Ha ont un point commun : tou-te les deux ont un problème avec l'alcool. Tant Yong-Ha est un alcoolique violent et imbus de sa personne, tant Young-Nam est calme et solitaire. Elle A girl at my door - un film de July Jung (2014)recherche dans les boissons alcoolisée un moyen de dormir et d'apaiser ses peurs. Dans le village tout le monde se connait, entre préjugés et habitudes, l'homosexualité de Young-Nam sera dévoilée et la policière sera accusée d'abus sexuels sur Dohee par Yong-Ha qui essaie de sauver sa peau après avoir été arrêté pour séquestration (et bagarre) d'un sans-papier.

    July Jung réalise à 34 ans son premier long métrage après plusieurs courts métrages qui ont reçu des prix.  Pour un premier film, "A girl at my door" est très abouti, assez froid, on n'est pas là pour rigoler ! :-) On sent un profond malaise dans la vie de Young-Nam, entre alcool, solitude et secrets cachés, ce qui rend le personnage attachant tandis que celui de Young-Ha est détestable de part son arrogance et les violences qu'il fait subir à sa fille et aux sans-papiers qu'il emploie. L'enfance traumatisante de Dohee fait qu'on a plus de mal à la cerner. On ne sait pas si certaines situations proviennent de son imagination ou de la réalité.

    A girl at my door - un film de July Jung (2014)July Jung délivre un film simple, filmé de façon sobre et efficace qui dénonce (indirectement ?) les dérives de la société Coréenne (qui peut s'élargir à tous les continents) : les discriminations faites aux lesbiennes (et homosexuels), l'exploitation des sans-papiers, les violences faites aux femmes et aux enfants, les tabous et les problèmes de communication. 

    Un premier film réussi même s'il manque un peu de rythme. J'espère que July Jung nous délivrera d'aussi beaux films dans les années à venir.

    Avec Doona Bae (Yong-Nam), Kim Sae-Ron (Dohee), Song Sae-Byeok (Yong-Ha)

    Bande annonce :

    Vous trouverez ci-après une présentation du film tiré du 4 pages promotionnel qui traite du cinéma sud-coréen et de contexte social de "A girl at my door". La présentation et l'analyse étant pertinente, j'ai voulu vous en faire profiter :

    A girl at my door : le nouveau cinéma Sud-Coréen

    A girl at my door - un film de July Jung (2014)

    Avec la présence d'une star internationale comme Bae Doona et d'un coproducteur ancien ministre de la culture Lee Chang-Dong, "A girl at my door" appuie sur des blessures actuelles de la société sud-coréenne que presque personne ne veut voir en face. Et surtout pas au cinéma. Son parcours dénonciateur passe donc par l'étranger qui joue le rôle de miroir. Et, si'il obtient un quelconque reflet, il reviendra renforcé porter son message en Corée du Sud.

    "A girl at my door" n'est pas isolée dans le cinéma sud-coréen. Après la fin des quotas et la mise sous contrôle de l'industrie locale par une poignée de holdings industrialo-financiers, on s'attendait à voir disparaître à la fois les films "indépendants" et toutes allusions à la société coréenne réelle. Mais la bataille politique autour des présidentielles a donné l'occasion de sorties de films pro-démocratiques opposés au gouvernement actuel. Des films comme "Unbowed, National Security" de Chung Ji-Young ou encore "Rolling home with a Bull" et "Whistle Blower" de Yim Sun-Rye sont des modèles du genre. Lee Chang-Dong, connu pour sa participation au gouvernement sortant démocrate et ses films réalistes-critiques ("Secrets sunshine, "Oasis") n'est pas très éloigné de ce mouvement. Il est d'ailleurs producteur de "A girl at my door". Certains films sociaux ont obtenu des succès inattendus comme "The Attomey" de Yang Woo-Suk (biopic sur le dernier président démocrate du pays qui s'est donné la mort) et ceci malgré le bâclage des sorties par les distributeurs. Car pour le public, aller voir ces films revient à exprimer son opposition politique. "A girl at my door", grâce autant à Bae Doona qu'à Kim Sae-Ron, a dépassé les 500.000 entrées, et fait mieux que les films de célèbres réalisateurs comme Kim Ki-Duk ("Pieta", "Moebius") ou Hong Sang-Soo ("Another Country"). "Haemoo" produit par Bong Joon-Ho, (réalisateur de "Snowpiercer") sur un sujet touchant très directement  l'immigration a franchi la barre de rentabilité d'un million et demi d'entrées.

    La réalisatrice est de la génération de cinéastes qui na pas vécu la contestation qui a renversé la dictature mais qui a étudié aux côtés des vétérans de cette époque. Attachée au réalisme, cheval de bataille de la vérité contre le spectacle des médias, cette génération n'existe que grâce au soutien des vétérans devenus producteurs : Lee Chang-Dong, Kim Ki-Duk, Bong Joon-Ho sont de ceux-là. La distribution en salle leur échappant, les affres de la campagne électorale soutenant ces films s'estompant, il aura fallu le naufrage absurde d'un ferry qui a coûté la vie de plus de 300 lycéens en avril dernier pour relancer la dynamique contestataire des films de la société civile sud-coréenne.

    Les rares femmes réalisatrices en Corée du Sud (la plus connue est Yim Sun-Rye) ont un goût marqué par le réalisme. Jung July semble leur emboîter le pas. Peu d'effets de cadres, de mouvements de caméra  ou de lumières dans son film. Le naturel l'emporte aussi dans le rythme de jeu des acteurs. On peut distinguer son apport de celui de son professeur-producteur : la petite ville portuaire moribonde de Yeosu, le problème des immigrants illégaux, celui de la collusion entre la police et les patrons, l'alcoolisme de l'héroïne sont dans le registre de Lee Chang-Dong. Pour Jung, on relève l'attirance homosexuelle, le personnage étrange de la petite fille (à noter que le titre coréen est le nom de cette fille), la violence familiale, la structure du thriller avec surprise à la clef. L'esthétique réaliste-sociale de Lee Chang-Dong et l'influence des mangas fantastico-pyschologiques pour ados de Jung se complètent : le contextuel pour l'un, l'intrigue pour l'autre.

    Bae Doona s'est fait un nom en Corée avec les séries télévisées puis, avec "Sympathie for Mister Vengeance" de Park Chan-Wook et "The Host" de Bong Joon-Ho. Elle est devenue star inter-asiatique avec "Air-Doll", film japonais de Koreeda, et star internationale avec "Cloud Atlas" des Wachowskis. Elle représente la femme-enfant traditionnelle projetée dans un univers psychologique-moderne, d'où ses films fantastiques ou de science-fiction. Son jeu, minimaliste, basé sur ses grands yeux fixes, est rare dans le cinéma coréen où dominent les mimiques. Elle est capable de jouer sans maquillage, ce qui est encore plus rare. Actrice de pub en Corée, chanteuse au Japon, elle a aussi produit des pièces de théâtre. Déjà star en Corée, la petite Kim Sae-Ron (14 ans) a enchaîné, depuis 4 ans, séries télévisées à succès et films. Adolescente surdouée, elle incarne les héroïnes de mangas aux pouvoirs surnaturels qui inspirent beaucoup les séries télévisées coréennes. Son rôle dans le film fait écho à celui qu'elle tient dans une série récente ("Hi ! School love") : elle y incarne un ange forcé de devenir humain. 

    A girl at my door - un film de July Jung (2014)

    Le contexte social évoqué par le film

    Le mauvais traitement des enfants et le fort taux de suicide des adolescents sont connus en Corée. La violence, souvent cachée, entre adolescents répercute une logique sociétale qui avait été remise en selle par les dictatures successives. Lié à cet aspect, on assiste à l'explosion du nombre de suicides d'adolescents dans le pays. Si la presse attribue ces suicides massifs au concours national d'entrée à l'université, elle le fait de manière à double sens car elle légitime aussi l'esprit de compétition : il est normal de se suicider si on échoue. Les mangas répercutent cette idée au quotidien. Les fleuves, les voies terrestres, les passerelles de métro et les chambres des motels minables sont les cimetières des suicides sociaux. Dans le film, la fillette semble au bord de la folie ou du suicide, seules échappatoires qui lui sont laissées.

    La présence d'ouvriers immigrés sans papiers témoigne de l'explosion du nombre d'immigrés (deux millions actuellement). L'immigration illégale pour le compte de compagnies maritimes comme celle du film touche surtout des ouvriers venus des pays pauvres du Sud-Est asiatique. Souvent mal traités, sous-payés, parqués, sans couverture sociale, ils sont privés de papiers et endettés à vie. Le fait que l'héroïne soit une policière alcoolique et que ses collègues masculins soient spécialement laxistes avec les pratiques illégales du parrain local met en doute l'action de l'état dans ce domaine.

    L'homosexualité reste un tabou social. Des films commerciaux comme "Frozen Flower" ou "The King and The Clown" surfant sur la mode K-pop et des hommes-fleurs (efféminés) ont ouvert la voie à "No Regret" de Leesong Hee-Il ou "Hello My Love" de Kim Aron vrais films LGBT qui ont fait scandale. L'homosexualité féminine, basées sur les traditions transsexuelles (réincarnations hindou-boudhistes-chamanistes) apparaît dans des histoires de fantômes et de lycénnes : "Memento Mori" ou "Whispering Corridor". Ce film tente de na pas dramatiser, donc de banaliser l'homosexualité de l'héroïnes, tout en montrant la difficulté de la vire en plein jour. il en ressort une idée de communauté de sort des parias de la société : l'alcoolique, l'immigré et l'adolescente psychologiquement perturbée.

    Les bouteilles vertes que la policière reverse dans des bouteilles en plastique d'eau sont remplies de Soju, alcool à 20° très bon marché. Tout le village semble s'adonner à l'alcool. Les petites villes déclinent peu à peu, se désertifient ou deviennent des villes-usines. Le choix de Yeosu comme décor de cette histoire permet de donner des causes non seulement à l'alcoolisme, à la violence, à la folie mais aussi à la misère qui atteint les immigrés autant que les natifs.

    Antoine Coppola

     


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  • Version restaurée sortie en salle le 29 octobre 2014

    Massacre à la tronçonneuse - film de Tobe Hooper (1974)Quarante ans après sa sortie, "Massacre à la tronçonneuse" s'est fait un nouveau lifting avec une version restaurée 4K inédite. Une grande avant première s'est déroulée le mardi 23 septembre dernier au Grand Rex de Paris, rassemblant 2.800 personnes dont Tobe Hooper himself (estimation du magazine Mad Movies d'octobre 2014, numéro 278, qui consacre la couverture et 14 pages d'interviews et d'articles sur le film). La sortie nationale s'est déroulée le 29 octobre, soit deux jours avant Halloween, n'y voyez pas de coïncidence. :-)

    Ma rencontre avec le film s'est déroulée il y a une vingtaine d'années grâce à un cadeau d'anniversaire d'une amie qui m'avait offert la cassette VHS. Le film m'avait beaucoup marqué par son aspect glauque et oppressant. Mais 20-25 ans plus tard mes souvenirs étaient quasiment nuls hormis la terreur qu'il m'avait procuré. Il faut dire qu'à cette époque, peu de films d'horreur étaient passés devant mes yeux, juste quelques-uns à la télévision et "Massacre à la tronçonneuse" est particulièrement oppressant...

    Lundi 3 novembre 2014, séance de midi au MK2 Bibliothèque à Paris. Nous sommes deux personnes dans la salle de cinéma, je peux choisir aisément ma place d'autant plus que la salle est grande. Les séances du "matin" ont toujours autant de succès, on dirait ! Je vais pouvoir revoir le film tant attendu et qui a fait et qui fait toujours autant parler de lui.

    Un groupe de cinq jeunes adultes fait un périple en camionnette àMassacre à la tronçonneuse - film de Tobe Hooper (1974) travers le Texas, aux Etats-Unis. A la radio, ils/elles apprennent que dans la région un cimetière a été profané, celui-là même où le grand-père de Sally et Franklin est enterré. Le groupe s'arrête devant le cimetière. Sally apprend par le shérif que le corps de son grand-père n'a pas été touché. D'emblée, nous découvrons dans le cimetière une ambiance particulière en ce jour de pleine lune.

    Sur la route, le groupe prend un auto-stoppeur très étrange qui se taillade le doigt, veut en faire de même à Franklin. Il est mis illico-presto dehors. Peu de temps après, le fourgon qui commence à manquer de carburant, s'arrête devant une station service mais les cuves sont vides. Le propriétaire affirme qu'il sera livré dès le lendemain. Se faisant tard, le groupe décide de se rendre dans la maison des grands-parents décédés de Sally et Franklin et de repartir le lendemain matin une fois le plein fait. Les jeunes gens vont dans la maison délabrée sauf Franklin en fauteuil roulant qui est frustré de ne pouvoir monter dans la maison et se il sent surtout délaissé. Kirk et Pam prennent la direction d'un plan d'eau pour se baigner, là où Kranklin avait l'habitude de se rendre lorsqu'il était enfant. Mais l'eau a disparu. Au lieu de revenir sur leurs pas, ils continuent le chemin car ils entendent le bruit d'un groupe électrogène et pensent pouvoir acheter de l'essence. Le chemin les amène tout droit vers une maison isolée. Dans la maison Kirk se prend directement un coup de marteau dans la tête par un boucher. Le sort de Pam ne sera pas meilleur puisqu'elle sera empalée sur un croc de boucher. Inutile de vous dire la souffrance qu'elle a dû ressentir avant d'être tuée. Les frigos sont remplis de cadavre humains. Ne les voyant toujours pas revenir, Jerry décide d'aller les rejoindre au plan d'eau qui n'existe plus. Il arrive jusqu'à la maison...

    Massacre à la tronçonneuse - film de Tobe Hooper (1974)Aucune intention de ma part de vous spoiler le film aussi il est préférable de ne pas continuer le résumé même si je suis consciente que 95% des personnes qui liront cette chronique auront déjà vu "Massacre à la tronçonneuse". Entre la sortie du film en version restaurée, les DVD et le coffret DVD collector pour le 40ème anniversaire de "Massacre à la tronçonneuse" qui sortira le 29 novembre prochain, il est difficile de passer à côté ou sinon, c'est parce qu'on ne le veut pas.

    L'ambiance du film est très particulière, entre la musique angoissante du bruit de la tronçonneuse, le masque de Leatherface (le tueur-boucher), la tronçonneuse, la famille déglinguée de Leatherface, les cris permanents de Sally lorsqu'elle est poursuivie par Leatherface puis attachée sur une chaise lors d'un repas sordide et morbide. Dès le départ, on sent un côté très malsain de part l'ambiance oppressante, l'aspect complètement fou de l'événement. Un sentiment de gène même face à cette famille psychopathe qui tue des humain-e-s comme elle tuait auparavant des vaches. N'oublions pas que se trouve (ou se trouvait) dans la région un abattoir et que de nombreuses personnes y travaillaient, notamment la famille de Leatherface ("Leather" signifie "cuir"). Depuis, le chômage fait rage créant une grande précarité mais aussi beaucoup de mal-être et on imagine que la famille de Leatherface a sombré dans une folie meurtrière. Mais que penser également de l'abattage des vaches ? Au début du film dans la camionnette, le groupe de jeunes parle de l'abattoir de la région. Pam dit à un moment qu'il faudrait arrêter de tuer les animaux et Sally répond qu'elle aime trop la viande et qu'on devrait arrêter ce sujet de conversation. Tel est le raisonnement de beaucoup de personnes, comme si le goût pouvait intervenir dans l'éthique. Comme le fait de dire que l'on ne devrait plus (ou ne plus faire) tuer d'animaux dérange parce que cela remet beaucoup de choses en question individuellement et dans la société, la plupart des gens préfèrent ne pas aborder le sujet ou le dévier en trouvant des prétextes ridicules ou inappropriés ("j'aime trop la viande", par exemple). Le cannibalisme choque mais pas le fait d'exploiter, de maltraités, deMassacre à la tronçonneuse - film de Tobe Hooper (1974) tuer (en masse en l'occurrence) des animaux pour le plaisir gustatif de beaucoup d'humain-e-s. Un copain m'avait dit être devenu végétarien après avoir vu le film et je comprends maintenant pourquoi.

    "Massacre à la tronçonneuse" est un film d'horreur avec un aspect politique et social (l'abattoir est l'industrie du coin et sa fermeture cause beaucoup de dégâts économiques et psychologiques), une famille en dysfonctionnement comme il peut en exister beaucoup d'autres (sans être des psychopathes, bien entendu mais perturbées à cause d'une société où il est difficile de s'adapter, de trouver son chemin...). C'est un film dur mais non dénué d'humour, notamment la scène du repas familial qui est dans l'apogé du ridicule. Si vous avez peur de voir du sang, ne vous inquiétez, vous en verrez très peu ou même pas du tout, je ne sais plus. Ce qui fait peur, je me répète une nouvelle fois, c'est l'ambiance oppressante du début à la fin qui vous martèle dans la tête. Le bruit de la tronçonneuse, telle est la recette miracle trouvée par Tob Hooper mais ce n'est pas tout ! Je suis ressortie du cinéma en regardant autour de moi, ahah mais super ravie d'avoir vu une seconde fois ce film qui est un vrai régal et que j'ai regardé avec bien plus de plaisir que la première foie, époque et motivation différentes !

    Le film a eu une grosse censure à sa sortie en 1974, notamment en France. Il a été exclu des salles après une semaine de sortie. Il retrouva le chemin des cinéma 5 ans plus tard.

    Comme tout film à succès qui se respecte, "Massacre à la tronçonneuse" a eu plusieurs suites dont une seule de Tob Hooper : "Massacre à la tronçonneuse 2" en 1986, puis "Massacre à la tronçonneuse 3 : Leatherface" de Jeff Burr en 1990, "Massacre à la tronçonneuse : La Nouvelle Génération" de Kim Henkel en 1994, "Texas Chainsaw 3D" de John Luessenhop en 2013. Un remake "Massacre à la tronçonneuse" de Marcus Nispel en 2003 et une préquelle sur l'enfance de Leatherface "Massacre à la tronçonneuse : Le Commencement" de Jonathan Liebesman en 2006. 

    A noter que Marilyn Burns (Sally) est décédée le 5 août 2014 à l'âge de 65 ans. :-(

    Avec Marilyn Burns (Sally), Paul A. Partain (Franklin), Teri McMinn (Pam), Allen Danziger (Jerry), William Vail (Kirk), Gunnar Hansen (Leatherface), Edwin Neal (auto-stoppeur), Jim Siedow (propirétaire de la station service)...

    Massacre à la tronçonneuse - film de Tobe Hooper (1974)

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