• Sortie en salle le 24 décembre 2014

    Cours sans te .retourner - un film de Pepe Danquart (2014)1942. Srulik, un jeune garçon juif polonais réussit à s'enfuir du ghetto de Varsovie. Il se cache dans la forêt, puis trouve un refuge chez Madga, une jeune femme catholique. Magda étant surveillée par les Allemands, il doit la quitter et va de ferme en ferme chercher du travail pour se nourrir. Pour survivre il doit oublier son nom et cacher qu'il est juif.

    Srulik s'inventera une nouvelle identité en empruntant un nom bien polonais, Jurek Staniak, portera une croix pour se faire passer pour un catholique et s'inventera un passé ou plutôt plusieurs en fonction des personnes qu'il rencontrera. S'il veut rester en vie, il doit impérativement être malin, futé, rapide et surtout ne pas se faire passer pour un juif. En Pologne durant la seconde guerre mondiale, il y a eu 6 millions de morts dont la moitié était des juifs. Pendant la même période, 6 millions de juifs ont été exterminés en Europe dont 3 millions en Pologne. Des chiffres qui montrent l'étendu du ras de marée de haine envers les juifs, un génocide sans nom, et plus particulièrement pour les juifs polonais (voir "La Pologne sous l'occupation Nazie").

    Durant les 3 années de cavale, Srulik/Jurek rencontrera des personnes qui l'aideront, qui le soutiendront, d'autres au contraire le rejetteront ou pire, le dénonceront. Des moments de joie et surtout des moments de dureté, entre vie à l'extérieur en plein hiver dans le froid et la neige, la perte de son chien aimant abattu par des polonais résistants, la fuite face aux SS, la perte de son bras droit. Jurek a trouvé un travail dans une ferme tenue par une Allemande. Lors d'un accident, sa main droite est broyée. L'Allemande amène tout de suite Jurek à l'hôpital. Lorsque le chirurgien apprend que le jeune est juif, il refuse l'opération. L'Allemande ordonne qu'il fasse l'opération en lui rappelant qu'elle a déjà versé 100 DM mais en vain. Jurek restera toute une nuit en souffrance dans un couloir de l'hôpital à cause de sa main qui s'infecte. En cachette, une infirmière lui injecte un produit pour calmer la douleur. Le lendemain, un chirurgien  passe dans le couloir. En voyant la main de

    Cours sans te .retourner - un film de Pepe Danquart (2014)

    l'enfant, il décide de l'opérer sur le champs, écœuré car il sait que la veille, sa main aurait pu être sauvée mais maintenant, c'est la vie de Jurek qu'il faut sauvé. Cette scène est représentative du film et de cette maudite guerre, toutes les guerres sont maudites ! Beaucoup s'entraident mais d'autres préfèrent se mettre du côté des dominants par peur et surtout pour être sûr de recevoir une part du gâteau. Certain-e-s ont fait de la résistance, d'autres ont coopéré, des allemand-e-s se sont comportés comme des nazis mais certain-e-s ont résisté, aidé des juifs. Bref, rien n'est tout blanc ou tout noir, ou tout noir ou tout blanc. Par contre, les guerres sont dégueulasses et devraient être abolies et le nazisme est une atrocité.

    Le film est bouleversant, troublant. J'ai mis un moment à me remettre de toutes les émotions qui s'y dégagent. Les paysages, la photographie dans les campagnes que traversent Jurek sont si beaux. Mais la beauté ne réside pas que dans les paysages, j'y inclus également les relations entre Jurek et les personnes qui l'ont aidé, qui l'ont aimé, des moments simples mais intenses, des rires, des pleurs, beaucoup d'émotion.

    Le film est tiré du livre du même nom écrit par Uri Orlev, publié dans 17 pays et traduit dans plus de 15 langues. L'auteur s'est inspiré de l'histoire vraie de Yoram Fridman. Il a 5 ans quand la Seconde Guerre mondiale éclate. En 1942, il s'échappe du ghetto de Varsovie et devra survivre seul jusqu'à la fin de la guerre. Quelques années plus tard, il est retrouvé par une organisation juive à la recherche d'enfants juifs survivants de la guerre. C'est ainsi qu'il sera transféré dans un orphelinat à Lódz où il ira à l'école primaire et y rattrapera brillamment son retard. Après avoir reçu une bourse universitaire pour suivre un Master en mathématiques, il devient assistant à l'Institut Polytechnique de Lódz. En 1962, il quitte la Pologne pour rejoindre sa future femme, Sonja, en Israël. Il y retrouvera sa sœur Fajga qu'il n'avait pas vue depuis 30 ans. Âgé de 80 ans aujourd'hui, il est professeur de mathématiques en Israël et partage sa vie avec son épouse Sonja, avec qui il a eu deux enfants et six petits enfants.

    Un film à voir, à faire découvrir pour connaitre l'histoire, notre histoire ; la stupidité des guerres et le sadisme du nazisme. Mais "Cours sans te retourner", c'est aussi l'entraide, la solidarité, la résistance dans un film très beau.

    PLUS JAMAIS !

    Avec Andrzej Tkacz, Kamil Tkacz, Elisabeth Duda, Jeanette Hain, Itay Tiran, Rainer Bock...

    Dossier de presse.

     

    Cours sans te .retourner - un film de Pepe Danquart (2014)

    Bande annonce : 

     

    La Pologne sous l'occupation nazie

    Le 1er septembre 1939, l'armée allemande envahit la Pologne : une partie des territoires occupées par le Reich sera annexée et soumise à une germanisation intensive ; l'autre partie (regroupant Varsovie, Lublin, Radom et Cracovie) sera regroupée sous forme de colonie appelée "Gouvernement Général", supervisée par le fervent nazi Hans Frank. A long terme, les nazis prévoient d'anéantir la culture polonaise et de repeupler la partie occidentale de la Pologne avec des Allemands.

    Durant l'Occupation, il n'y a pas de gouvernement de collaboration en Pologne  et relativement peu de collaboration active individuelle. Les Polonais, considérés par les nazis comme des "sous hommes", sont soumis et violemment persécutés. Contrairement à ce qui a pu arriver dans d'autres pays occupés, toutes ces persécutions ont lieu ouvertement car les occupants ne craignent pas les médias étranger, totalement interdits d'accès.

    Les habitants sont expulsés des territoires annexés pour être colonisés dans le "Gouvernement Général" où nombre d'entre eux sont réquisitionnés dans les camps de travail. En cas de résistance, ils sont exécutés. Au total, 6 millions de Polonais furent exécutés par les nazis dont 3 millions de juifs. La lutte pour la survie absorbait les populations, exacerbant les clivages dans la lutte même contre l'occupant.

    Cours sans te .retourner - un film de Pepe Danquart (2014)

    Dès 1939, les Allemands dépouillent les juifs et les regroupent dans des ghettos. Six camps d'extermination sont construits (Auschwitz, Belzec, Chelmno, Majdanek, Sobibor et Treblinka) dans lesquels des millions de juifs périront ; d'autres meurent de faim dans les ghettos, et certains sont victimes de groupes d'extermination nazis baptisés "Einsatzgruppen". Suite à la Conférence de Wannsee en 1942, l'"extermination systématique des juifs" est mise en place en commençant par le "Gouvernement Général". La moitié des juifs exécutés durant la Shoah étaient polonais (3 millions de juifs polonais sur 6 millions de juifs exécutés).

    La sanction de la part des Allemands pour ceux qui portaient secours aux juifs était la mort. Certains Polonais participèrent aux massacres, comme à Jedwabne où de nombreux juifs furent torturés et mis à mort par une partie des habitants du village ; à Varsovie, certains prendront une part active dans le confinement des internés du ghetto, livrant ceux qui tentaient de s'en échapper aux nazis et gagnant même parfois leur vie en tant que "chasseurs de juifs". Il y eut aussi des "passeurs professionnels" qui sauvèrent des juifs, non par humanisme mais contre rémunération, trahissant leurs "clients" au moindre danger. Mais malgré le comportement parfois hostile des Polonais, certains d'entre eux aidèrent les juifs à se cacher. La Pologne, où le nombre de juifs était plus important que dans le reste de l'Europe, est le pays qui compte le plus de "Justes parmi les Nations" (titre honorifique décerné au nom de l'Etat d'Israël par le Mémorial de Yad Vashem pour les généreux des nations du monde qui ont mis leur vie en danger pour sauver des juifs). Le gouvernement polonais en exil fut en effet le premier à diffuser en 1942 des informations nazis et le seul gouvernement à avoir mis en place une cellule de résistance (Zegota) pour venir en aide aux juifs de la Pologne occupée.

    Fin 1944, l'armée rouge avance, provoquant l'effondrement de l'administration allemande en Pologne. Hans Frank est capturé par les Américains en 1945 pour être jugé au Procès de Nuremberg et condamné à mort.

    Source : wikipédia


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  • Sortie en salle le 3 décembre 2014

    Iranien - film documentaire de Mehran Tamadon (2014)Iranien athée, le réalisateur Mehran Tamadon a réussi à convaincre quatre mollahs, partisans de la République Islamiste d'Iran, de venir habiter et discuter avec lui pendant deux jours. Dans ce huit clos, les débats se mêlent à la vie quotidienne pour faire émerger sans cesse cette question : comment vivre ensemble lorsque l'appréhension du monde des uns et des autres est si opposée ?

    Je n'avais pas vu voir le film lors de sa projection à la médiathèque de Villejuif dans le cadre de la quinzième édition Le mois du film documentaire qui s'est déroulée en novembre. Le thème choisi était le cinéma iranien en exil. "Iranien" avait été projeté avant "L'escale" de Kaveh Bakhtiari et "Mes souliers rouges" de Sara Rastegar.

    Ce documentaire est un petit événement en lui-même : réunir un athée iranien et 4 mollahs fervents défenseurs de la République Islamique d'Iran. Mehran Tamadon souhaitait exprimer son envie du vivre ensemble tout en pouvant échanger des points de vue totalement opposés. Dans ce projet, le réalisateur a invité 4 religieux iraniens dans sa résidence secondaire (maison de famille partagée entre sa soeur qui vit aux Etats-Unis, sa mère en Iran et le réalisateur en France) située quelque part en Iran. Après de multiples refus, il a réussi à convaincre quatre mollahs à échanger avec lui dans une ambiance cordiale. Les quatre hommes sont venus avec leur épouse et leurs enfants mais seuls les hommes prendront part aux échanges malgré le désir de Mehran Tamadon des les inclure dans le groupe. Pendant la préparation des repas, nous verrons les jeunes enfants mais les femmes seront mises à l'écart de la caméra (hormis quelques courts instants notamment lorsque Mehran Tamadon montre à une femme une vidéo de ses enfants dans une crèche française) comme invisibilisées par leur mari. Mehran Tamadon s'exprime d'abord sur la laïcité et de l'importance qu'il lui accorde dans une société (laïque) où chacun-e est (théoriquement) libre d'avoir, de pratiquer une religion, de ne pas croire en dieu ou d'être agnostique. La question porte sur son libre choix et les questions religieuses ne doivent pas s'intégrer dans la sphère politique comme en Iran, par exemple. Une grand partie des échanges porte là-dessus où chacun, bien sûr, reste sur ses positions. Il sera beaucoup question du voile et bien sûr, ce sont les hommes qui en parlent le mieux ! :-)   D'après les mollahs, les hommes seraient bien plus rapidement excités sexuellement que les femmes (je reprends leurs propos) et   afin

    Iranien - film documentaire de Mehran Tamadon (2014)

    de préserver les hommes, le voile serait un élément indispensable pour éviter l'adultère. En gros, les hommes ne pouvant pas se retenir, les femmes doivent cacher leur visage pour éviter aux hommes toute tentation (les femmes étant d'emblée exclu de pouvoir d'être tentées...). Mais bien au-delà du voile (ou plutôt du choix de le porter ou pas), le problème des inégalités entre hommes et femmes dans une République Islamiste est omniprésente et tragique. De toute façon, religion et égalité hommes/femmes font rarement bon ménage. 

    Mehran Tamadon a réussi à exposer ses points de vue sereinement, sans prosélytisme, les quatre mollahs également. Au détour d'une conversation, on apprend que les quatre religieux ont accepté la proposition de Mehran Tamadon afin que leurs idées religieuses d'Etat puissent être diffusées en Occident.

    La réalisation du film n'a pas du tout plu au gouvernement islamiste iranien qui a confisqué le passeport de Mehran Tamadon pendant un mois. Heureusement il a eu le soutien de sa mère, sa femme et ses enfants. Il a pu repartir en France mais il est désormais persona non grata en Iran.

    Mehran Tamadon a réussi un intéressant documentaire dans lequel il se fait l'avocat du diable de la laïcité face à quatre mollahs se donnant une image plutôt sympathique mais avec des idées tellement réactionnaires que l'on peut se poser justement beaucoup de questions sur "Le vivre ensemble".

    Iranien - film documentaire de Mehran Tamadon (2014)

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  • Sortie en salle le 10 décembre 2014

    Timbuktu - un film d'Abderrahmane Sissako (2014)Le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako profite de son statut de cinéaste pour réaliser un long métrage de fiction centré sur les événements tragiques de la prise de pouvoir dans certaines régions du Mali par des djihadistes. J'ai envie de ne raconter que ce que je suis "désignée" pour raconter. Je peux trouver bouleversante une histoire d'amour dans un appartement, mais je fais partie des cinéastes venant de pays qui n'ont pas les moyens financiers de propulser régulièrement des films à l'affiche. Ces pays qui peuvent rester jusqu'à dix ans sans faire de film ! Quand on en fait un, il doit avoir un sens, une portés universelle, il doit alerter, concerner toute l'humanité. La lapidation publique d'un couple par des djihadistes en 2012 pour ne pas avoir été marié devant dieu a été l'élément déclencheur de la réalisation du film. Abderrahmane Sissako s'est inspiré de faits réels pour faire une fiction.

    A Tombouctou, les djihadistes sèment la terreur en imposant la charia. Il est désormais interdit de fumer, de jouer au football, d'écouter de la musique, d'être dans la rue sans rien faire. En plus du voile, les femmes sont dans l'obligation de porter des gants, les hommes de porter des pantalons retroussés. De plus en plus de restrictions qui ne donnent plus aucune liberté aux femmes. Satima et Kidane, un couple de Touaregs, vivent dans les dunes avec leur fille Toya. Tous leurs voisins sont partis pour fuir les djihadistes. Ne sachant plus où aller et étant las des changements de lieux, Kidane préfère que sa famille reste. Furieux qu'une des vachesTimbuktu - un film d'Abderrahmane Sissako (2014) de Kidane se perd dans ses filets de pêche, un homme tue la pauvre vache. En lui demandant des explications, Kidane tue accidentellement l'homme. Le mari de Satima est rapidement arrêté par la police islamiste et le procès rapidement expédié (si on peut appeler un procès une mascarade basée sur la charia). Pendant ce là, une jeune fille est enlevée, séquestrée puis mariée/séquestrée/violée à un djihadiste malgré les protestations de la jeune femme et de sa mère, un couple est lapidé publiquement, des personnes arrêtées puis flagellées pour avoir jouer de la musique chez elles, une femme arrêtée pour avoir refusé de porter des gants. Un monde de terreur pour imposer une dictature dirigée par des extrémistes religieux qui ne s'imposent même pas les fameuses lois de dieu. On voit un djihadiste fumer en cachette, le même essayant de faire la cour à une femme mariée, trois djihadistes discutant de football. Une dictature centrée sur la religion, sans plaisir, sans culture, avec des femmes esclaves : la charia.

    Timbuktu - un film d'Abderrahmane Sissako (2014)

    Mais on voit aussi des personnes qui refusent d'être privées de leur liberté, notamment cette femme qui refuse de porter des gants, ces jeunes jouant au football sans ballon (c'est plutôt un symbole parce que concrètement comment jouer sans ballon ?), des musicien-en-es qui malgré l'interdiction jouent de la musique... mais la plupart payeront chèrement les "péchés", entre coup de fouets et lynchages. Tel est le prix à payer pour des insoumis-e-s qui n'acceptent pas les lois de ces djihadistes endoctrinés. Finalement le plus soumis est Kidane qui accepte son sort car dieu l'a voulu. Le plus étonnant est que malgré les interdictions, les privations, le manque de liberté, d'expression, la torture, les meurtres, ces djihadistes restent calmes et sereins. Abderrahmane Sissako s'en explique : Je montre (aussi) qu'ils peuvent être très courtois : ils rendent ses lunettes et ses médicaments à l'otage européen et lui offrent le thé. L'instant d'après, ils vont peut-être le décapiter mais je ne voulais pas les filmer en train de crier, de hurler. Je montre aussi qu'ils peuvent lapider, tuer un couple, flageller une jeune fille coupable d'avoir chanté. Mais dans tout groupe, et donc chez eux aussi, il y a forcément tous les types d'individus - le méchant, Timbuktu - un film d'Abderrahmane Sissako (2014)l'intellectuel, le rappeur... Je tiens beaucoup au personnage du rappeur, ce jeune auquel on a lavé le cerveau et qui pense que lorsqu'il faisait de la musique, il était dans le péché. On a appris depuis que l'égorgeur de l'otage américain James Foley était vraisemblablement un rappeur londonien. Ce qui les fédère, c'est le désespoir, ils sont démunis, ils ne savent plus quoi faire, alors ils sont à la merci de ce qui s'offre pour créer une solidarité. Les jeunes qui se sacrifient dans des attentats-suicides meurent pour donner leur vie à l'Islam et aider leur famille. Leur geste s'apparente à un sacrifice. Surtout, ces désespérés sont manipulés. Ils se sont laissés persuader que l'on racontera l'exemple de celui qui est mort bravement, et dont le geste compensera son incapacité à aider les siens.

    "Timbuktu" propose une superbe photographie, des images magnifiques notamment la scène dans laquelle Kidane s'enfuit tandis que le pêcheur agonise. Une belle peinture peinte avec des couleurs qui font frisonner et vous laisse sans voix, à moins que la peinture se transforme en poésie ou que peinture et poésie fusionnent.

    Abderrahmane Sissako a eu raison de réaliser un film sur un tel sujet car si lui ne l'avait pas fait, qui l'aurait fait ? ... d'autant plus que "Timbuktu" est très réussi, tant émotionnellement qu'artistiquement.  

    Avec Ibrahim Ahmed, Toulou Kiki, Abel Jafri, Fatou Diawara, Layla Walet Mohamed, Hichem Yacoubi, Kettly Noël, Mehdi AG Mohamed...

    Timbuktu - un film d'Abderrahmane Sissako (2014)

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  • Sortie en salle le 3 décembre 2014

    White god - un film de Kornél Mundruczó (2014)"White god" a été projeté au festival de l'étrange à Paris en septembre dernier. La bande annonce et les quelques articles lus m'avait donné envie de le voir lorsqu'il sortirait en salle trois mois plus tard.  Il a reçu un prix au festival de Cannes mais bon, je dois bien avouer que je me contrefiche de ce genre de festival et que ce n'est pas le prix reçu qui m'a motivé pour aller le voir au cinéma.

    Sa mère partant trois mois en Australie, Lili - et son chien Hagen - , une adolescente de 13 ans habitant à Budapest, capitale de la Hongrie, part vivre chez son père. La cohabitation est difficile parce que son père ne veut pas de chien chez lui et que visiblement père et fille se connaissent peu. Le père apprend par une voisine que les maîtres de chiens "bâtards" doivent payer un impôt.  Son père n'aimant ni les chiens, ni ne voulant payer une taxe supplémentaire abandonne Hagen à son triste sort sur la route. Lili fait tout pour le retrouver, notamment en collant des affiches sur les murs de la ville et en parcourant Budapest à vélo mais en vain. La jeune fille joue de la trompette dans un orchestre, une bonne partie de son univers se trouve en répétition ou lors de concerts. Son professeur est dur est autoritaire. Malgré tout, elle se plait dans le monde de la musique grâce à son amour pour elle et pour les amitiés qu'elle entretient avec quelques camarades de l'orchestre.

    White god - un film de Kornél Mundruczó (2014)

    Hagen vit désormais une dure vie de chiens de rue. Il sera d'abord dans la rue, puis utilisé comme chien de combat puis se retrouvera dans un refuge pour animaux et brutalisé par un membre du refuge. Ne voulant plus de cette vie, Hagen se venge sur toutes les personnes qui l'ont brutalisé et humilié. Sur sa route, tous les chiens du refuge mis sur le banc de touche le suivront dans sa quête de vengeance et d'émancipation. 

    Le réalisateur Kornél Mundruczó considère "White god comme un conte de fées ou comme un film de Walt Disney, une utopie insolente qui essaie de ressembler a la réalité actuelle, même si j'espère qu'on n'en arrivera pas là". Il ajoute que "L'idée de départ m'est venue le jour où j'ai visité une fourrière. J'y ai rencontré des gens magnifiques qui essaient d'aider au mieux les animaux, alors que quand on tient un tel endroit en Hongrie, on ne sait plus quoi faire de toutes ces bêtes" (Mad Movies #280 - décembre 2014). "Le film est la critique d’une Hongrie White god - un film de Kornél Mundruczó (2014)dans laquelle une mince couche de la société dirige une grande partie de la population. C’est également de plus en plus le cas ailleurs en Europe. Un petit groupe issu de l’élite se réserve le droit de régner pendant que les politiciens, comme dans un programme de téléréalité politique, passent pour des vedettes à qui nous accordons nos votes à tour de rôle. Ces tendances sont très dangereuses. Si nous n’y prenons pas garde, un jour les masses se soulèveront." (dossier de presse)

    Dans ce film, Kornél Mundruczó traite des laissés pour contre, de ces chiens qui ont eu la mal chance (je parle du point de vue de certain-e-s humain-e-s, bien entendu) de ne pas être de "pures races" et dont on préfère se débarrasser ou de faire payer un impôt afin d'inciter les gens à avoir des chiens bien comme il faut. Ce sont des chiens mais cela pourrait être aussi bien des immigré-e-s, des SDF ou des "anormaux", un phénomène de rejet par une société qui préfère trouver des boucs émissères plutôt que de trouver le vrai problème des maux.

    Le père de Lili travaille dans un abattoir. Au début du film, on voit une scène de découpage de chair animale. Quelques instant plus tard son père essaie d'enlever des gouttes de sang incrustées sur sa chemise, comme pour se dédouaner, se déculpabiliser de son travail qui consiste à tuer des animaux (son job consiste plutôt à dire si la viande est bonne pour la consommation humaine mais travailler dans un abattoir n'a rien de très "peace"). 

    Le film traite des conditions de vie difficile des chiens dans les White god - un film de Kornél Mundruczó (2014)refuges, des euthanasies lorsque ces derniers ont peu de chance d'être adoptés, des violents combats de chiens, terrible fléau qui n'est pas prêt d'être éradiqué vu l'argent qu'ils rapportent.

    Beaucoup d'émotions circulent durant le film et c'est ce qui fait le charme de "White god" qui va du drame au thriller, avec une touche de fantastique, en passant par la dernière demi-heure un peu horrifique. On joue sur les émotions grâce à la musique incroyablement belle, la relation entre Lili et Hagen, Lili et son père. Derrière l'acharnement de vengeance de Hagen et sa bande (le soulèvement des masses comme le disait  Kornél Mundruczó) se cache la volonté de faire prendre position les spectateurs et spectatrices car cette vengeance même si elle reste malsaine est une vengeance créée par des chiens qui ont souffert le martyre et qui veulent se libérer de leur oppression. Comment pourrions-nous soutenir les oppresseurs ? Comment pourrions-nous soutenir que des chiens mais au-delà de ces barrières d'espèce, que des animaux, humains compris, puissent être maltraités, exploités, tués parce qu'ils seraient considérés comme différents ou inférieurs ?

    Un film tout en beauté qui a la particularité de faire jouer de nombreux chiens qui jouent superbement bien ! Inutile de préciser qu'aucun chien n'a été maltraité durant le tournage. Zsófia Psotta (Lili) est une jeune actrice attachante pleine de talent qu'on reverra, je l'espère, dans d'autres films.

    Avec  Zsófia Psotta, Sándor Zsótér, László Gállfy, Lili Horváth...

    White god - un film de Kornél Mundruczó (2014)

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  • Sortie en salle le 19 novembre 2014

    A cappella - un film de Lee Sujin (2013)Han Gong-Ju, une jeune lycéenne est contrainte de changer d'établissement scolaire et d'emménager, pour un temps, chez la mère d'un de ses professeurs, tandis qu'une enquête policière suit son cours dans son quartier d'origine. N'ayant en apparence rien à se reprocher, Gong-Ju pourra-t-elle échapper à son passé ?

    "A cappella" sort deux semaines après "A girl at my door" de July Jung. Deux films ayant beaucoup de points communs : la réalisation d'un premier long métrage pour l'un-e et l'autre, Lee Sujin et July Jung étant issu-e-s de la nouvelle génération de réalisateurs et réalisatrices sud coréen-ne-s n'hésitant pas à traiter de sujets réalistes, sociaux et politiques. Les thèmes principaux en commun traite du machisme, de la violence faites aux enfants/adolescent-e-s, femmes, une société remplie de tabous, de non-dits, où la réussite est primordiale. 

    Progressivement on apprendra le dur calvaire qu'a vécu et vit encore Han Gong-Ju. Un père alcoolique qui n'hésitera pas à trahir sa fille contre de l'argent, une mère qui l'a laissée tomber pour refaire sa vie. Et un terrible événement qu'elle garde caché en elle : elle a subi avec sa meilleure amie un viol collectif par un groupe d'étudiants qui ont filmé les scènes et l'ont diffusées sur internet. Elle essaie tant bien que mal à vivre une nouvelle vie chez la mère d'un ancienne professeur. Des liens forts se tissent. Dans sa nouvelle école, elle se lie d'amitié avec un groupe de jeunes filles d'une petite chorale qui chante a cappella (d'où le titre du film). Elle les accompagnera à la guitare, ce qui lui laissera l'opportunité d'utiliser sa créativité et d'essayer d'oublier l'énorme douleur qu'elle porte en elle. Han Gong-Ju a eu le courage de porter plainte contre ses agresseurs et gagnera le procès mais cette bonne nouvelle se retournera contre elle : les parents des étudiants vont faire pression contre elle et contre son père pour qu'elle annule sa plainte. Les policiers, son ancien prof, les parents des violeurs, même son père pense qu'elle a une partie de responsabilité dans l'agression qu'elle a subie. Elle se sent de plus en plus isolée et incomprise. Elle est victime et on l'a considère comme une coupable et les coupables sont considérés comme des victimes. Horrible résultat du patriarcat en Corée du Sud (et d'ailleurs !). Au début du film, Han Gong-Ju parle tout doucement, sans oser lever la voie. Au fur et à mesure du film, elle commence à prendre un peu confiance en elle grâce à la gentillesse de la mère du prof, de l'affection que porte quelques camarades sur elle. Ce début de confiance en elle se traduit par une voie plus affirmée (mais de façon modérée, n'oublions pas que nous sommes en Corée), en parlant davantage, en riant également. Mais à chaque fois que des moments agréables se passent dans sa vie, d'autres tragiques apparaissent, comme si Han Gong-Ju n'avait pas le droit de se sortir de l'enfer qu'elle vit sur terre. 

    A cappella - un film de Lee Sujin (2013)

    A travers l'histoire de cette sud coréenne de 17 ans, Lee Sujin dénonce l'oppression que subissent les femmes : elles finissent toujours coupables. Ou tout simplement coupables d'être femmes. L'héroïne malgré elle du film est "condamnée" d'avance par une société qui la pousse à culpabiliser d'avoir subi un viol. Mais une telle société est une société malade à en crever de son sexisme omniprésent. Comme dans "A girl at my door", le film traite de la violence des adultes sur les enfants/adolescents. A 17 ans, Han Gong-Ju doit tout gérer après avoir été abandonnée par sa famille. Elle subit en permanence, voilà le résultat qui consiste à croire que les femmes doivent être jolies, souriantes et soumises et que les jeunes doivent soumission aux aînés. La Corée du Sud est le pays où le nombre de suicides est le plus élevé chez les jeunes : trop de pression dans la réussite dans leurs études, nombreux sont celles et ceux qui se donnent la mort après avoir échoué à un examen. Han Gong-Ju n'est pas seule victime, le fils de l'ancien professeur de Han Gong-Ju subit un raquetage par un groupe de lycéen qui l'obligeront entre autre, à voler. Il deviendra leur souffre douleur et se serviront de lui pour extérioriser leurs "démons". Un bon moyen pour Lee Sujin de montrer la domination que peut exercer un groupe sur une personne (ou tout simplement une personne sur une autre) et du mal-être des jeunes.

    On traite également d'une société sud coréenne ultra portée par le consumérisme et vivant à travers les réseaux sociaux sur internet. La vidéo du viol collectif, la vidéo du clip de Han Gong-Ju, tout passe par internet, pour le meilleur et surtout pour le pire. Ce n'est pas nouveau (quoi que relativement récent) et on vit la même chose de l'autre côté du globe mais ce n'est pas une raison pour ne pas parler des dérives.

    A cappella - un film de Lee Sujin (2013)

    Durant un peu moins de deux heures Lee Sujin nous fait vivre des moments intenses, durs, révoltants au milieu de passage plus doux, plus nuancés. "A girl at my door" m'avait vraiment conquis, tant dans la réalisation que dans les thèmes abordés mais je place "A cappella" a un petit niveau au-dessus, le genre de films à mettre dans le top 10 des films de l'année. La réalisatrice a réussi à créer des ambiances tristes sombres, froides avec quelques moments de tendresses, d'espoir mais l'espoir n'est que de courte durée.

    Chun Woo-hee ("Sunny", "Mother"), 27 ans, dans le rôle principal joue remarquablement cette jeune fille en pleine détresse. Une comédienne pleine de talents que l'on devrait, je l'espère, retrouver rapidement derrière les écrans de cinéma dans un autre film.

    Le film est malheureusement distribué dans seulement 3 salles parisiennes lors de la première semaine de sortie, dépêchez-vous d'aller le voir avant qu'il ne soit trop tard !

    Avec Chun Woo-hee, Lee Young-lan, Jung In-sun, Kim So-Young, Kimchoi Yong-joon...

    Plus d'information sur le renouveau du cinéma sud coréen, lire la fin de l'article.

    Bande-annonce :



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